« Petit Paysan », entre Depardon et Tarantino

Swann Arlaud dans « Petit Paysan »

Swann Arlaud dans « Petit Paysan »  LOUISE RACINE / DOMINO FILMS / FRANCE 2 CINÉMA

Critique  Une chronique poignante sur la condition paysanne avec un impeccable Swann Arlaud. Ce soir à 21h05 sur France 5.

Ses vaches laitières, il ne les élève pas seulement, il les aime aussi. D’un amour paternel, protecteur, caressant. Au point d’offrir, en guise de litière, son canapé à un petit veau. Célibataire, Pierre (Swann Arlaud) a repris la ferme de ses parents, qui observent leur fils travailler dur, pour un salaire dérisoire. Alors, quand une épizootie commence à frapper son troupeau, Pierre devient fou.

De douleur, en voyant ses vaches s’écrouler et agoniser. De rage, en découvrant que les vétérinaires - y compris sa sœur (Sara Giraudeau) - ne comprennent rien à cette fièvre hémorragique dont certains symptômes se transmettent à l’homme. Et de colère, en recevant la visite d’inspecteurs de la protection des populations, dont le seul mot d’ordre est, au nom du principe de précaution, l’extermination des cheptels contaminés. Pour échapper à cette issue, Pierre, dont la paranoïa se nourrit de sites internet alarmistes, est prêt à tout : brûler, enterrer, voler, dissimuler et même exfiltrer hors du territoire national ses vaches qu’il croit encore saines.

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La solitude de l’agriculteur

« Petit Paysan » est la chronique poignante d’un combat perdu d’avance et l’allégorie d’un très vieux métier menacé par les maux modernes. Porté de bout en bout par Swann Arlaud, qui incarne, avec une implacable sobriété, l’insondable solitude de l’agriculteur, le premier film d’Hubert Charuel est un choc.

Seul un fils de paysans pouvait réaliser un film si juste. Seul un cinéaste-né, formé à la Femis, pouvait savoir si bien placer sa caméra, ajouter aux scènes réalistes d’imperceptibles détails fantastiques, et construire un scénario qui s’ouvre à la manière d’un documentaire régionaliste pour s’accomplir à la façon d’un thriller mental - il faut imaginer l’improbable rencontre, cadrée par Joachim Lafosse, entre Depardon et Tarantino.

Car l’histoire se déroule moins dans les hangars de l’exploitation que dans la tête brûlée d’un jeune éleveur qui, pour l’amour de ses vaches, se désocialise et finit par devenir plus animal qu’humain. Un film sauvage, où l’on croit même sentir l’odeur mêlée du fumier, du poil mouillé, du sang chaud et du lait tiède.

Vous vous sentez dérouté par l’actu ?

Découvrez le Best Obs : chaque samedi, un billet et les six articles de la rédaction qu’il ne fallait pas manquer.

Lundi 6 mai à 21h05 sur France 5. Drame français d’Hubert Charuel (2017). Avec Swann Arlaud, Sara Giraudeau. 1h30. (Disponible en replay sur france.tv).

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